Rémunérer ses collaborateurs



On peut définir la rémunération comme l’ensemble des compensations et avantages que reçoivent les employés en contrepartie de leur travail:
La rémunération directe constitue la paie reçue à titre de salaires, primes et commissions.
La rémunération indirecte comprend toutes les compensations qui ne font pas partie de la rémunération directe et qui font partie du contrat social liant le cabinet et le collaborateur tel les avantages non financiers. Ces derniers font référence à des facteurs tels que le parcours de carrière et les possibilités d’avancement, la reconnaissance, de même qu’aux facteurs qui facilitent l’accomplissement du travail.


Et la politique de rémunération dans les cabinets d'expertise comptable?


Les cabinets d’expertise-comptable doivent aujourd’hui dans ce climat très concurrentiel, attirer, fidéliser ses équipes afin d’éviter un phénomène de turn-over assez significatif dans notre profession. En se basant sur le résultat de 2 enquêtes significatives[1] réalisées auprès des cabinets d’expertise-comptable en 2012, il est intéressant de tirer un portrait des attentes des collaborateurs et de la politique de rémunération pratiquée dans notre profession.

▪ La rémunération : premier critère d’attractivité pour le choix d’un poste en cabinet d’expertise-comptable :
Autant pour que les collaborateurs que pour les EC, la rémunération constitue le premier facteur d’attractivité pour choisir un poste et la principale cause de démission au sein des cabinets. La mise en place d’une politique de rémunération attractive et cohérente au sein du cabinet peut être une garantie de pérennité sociale et de diminution du turn-over.

▪Les critères de fixation de la rémunération selon les EC
Les critères de fixation  de la rémunération des collaborateurs restent  similaires depuis plusieurs  années et force est de constater qu’il demeure des divergences de point de vue entre les EC et les collaborateurs
Le niveau d’expérience dans le métier du collaborateur demeure le premier élément déterminant dans la négociation du salaire pour les EC.
Parallèlement, l’analyse des profils de recrutement met en évidence que la grande majorité des  recrutements de notre profession concernent des collaborateurs avec une expérience comprise entre 0 et 7 ans.
Le critère suivant (niveau des rémunérations dans les autres cabinets/ niveau de rémunération du marché) met en évidence le fait que la rémunération est une valeur relative et non absolue. En effet, le collaborateur souhaite une rémunération en tenant compte de celle des autres dans son cabinet mais également dans les autres cabinets. Il est important que le cabinet s’assure que sa politique de rémunération soit cohérente avec celle du marché et soit équitable en interne.

▪Le mode de rémunération dans notre profession a évolué:
Le mode de rémunération dans les cabinets d’expertise-comptable évolue et fait apparaître de nouvelles pratiques de rémunération :

            Augmentation du variable :
Aujourd’hui, la rémunération se conçoit comme un « package » liant partie fixe et partie variable. Autrefois réservée aux commerciaux, la rémunération variable commence à se généraliser dans les cabinets et constitue un réel outil de motivation. 28 % des collaborateurs[2] bénéficieraient de ce mode de rémunération, répandue essentiellement dans le domaine de l’audit et moins de l’expertise-comptable, surtout dans les grands cabinets. La rémunération variable a pour base de calcul le chiffre d’affaires facturé (et encaissé) du portefeuille-clients géré par le collaborateur. La règle du tiers [3] est souvent utilisée . 
Le recours aux primes augmente de manière significative, à tel point que 80 % des cabinets d’expertise-comptable sondés verseraient des primes à leurs collaborateurs.

Faible progression des systèmes d’intéressement et disparités selon la taille du cabinet:
Les systèmes d’intéressement sont encore peu répandus dans les cabinets d’expertise-comptable, surtout la participation. 
33 %  des cabinets d’expertise-comptable  sont dotés d’un plan d’épargne entreprise en 201254, ce chiffre à augmenté au détriment de l’intéressement qui a tend à se stabiliser à 25%.
La mise en place des systèmes d’intéressement dépend  très fortement de la taille du cabinet et que nous pouvons constater des disparités entre les cabinets de moins de 20 collaborateurs et ceux ayant plus de 50 existent.
Les dispositifs de protection sociale progressent dans les cabinets d’expertise-comptable, en effet 30 %54 des cabinets d’expertise-comptable proposent à leurs collaborateurs un régime de prévoyance supérieur au régime obligatoire.
 La souscription  à une mutuelle complémentaire de groupe dépend également de la taille du cabinet : 70 % des cabinets de plus de 10 salariés la proposent contre 41 % pour les plus petits cabinets.
 

Conduire une politique de rémunération attractive et cohérente

Dans un contexte où les candidats à la profession baissent et la concurrence augmente, la rémunération demeure un réel critère clé de l’attractivité d’un poste en cabinet d’expertise-comptable et d’audit.

▪Les finalités d’une politique de rémunération
La politique de rémunération est un instrument de ressources humaines très important pour les cabinets d’expertise-comptable et d’audit.
L’employeur doit l’envisager comme « une redistribution de valeur ajoutée »[4].
la politique de rémunération doit être incitative et compétitive, afin d’attirer puis fidéliser ses collaborateurs. Le cabinet doit tenir compte du marché professionnel pour rester concurrentiel.
La politique de rémunération doit être bien entendu conforme à la réglementation en vigueur (loi et convention collective nationale  des cabinets d’expertise-comptable) .Nous noterons toutefois que peu de cabinets se fondent sur la « convention collective » pour fixer  la rémunération de leurs collaborateurs (représente seulement 4% des composantes de la rémunération.
 Le système de rémunération doit être équitable afin de garantir l’équité au sein du cabinet. Au sein du cabinet la comparaison aura tendance à se faire  poste par poste d’où l’importance de décrire suffisamment les fiches de poste (cf. Section 2 « Intégrer un nouvel collaborateur sur son poste de travail » afin que chacun puisse comparer ce qui est comparable.  S’il existe des distorsions trop importantes sur des mêmes postes, le climat social risque d’être altéré.

▪Les étapes d’une politique de rémunération

a) Elaborer une stratégie de rémunération cohérente  avec la volonté de développement du cabinet :

*Connaitre les objectifs organisationnels du cabinet :
Il est essentiel pour le cabinet de prendre du recul sur la stratégie de développement souhaitée du cabinet.
 «La  politique RH est la traduction des orientations à moyen et long termes du cabinet, en principes d’actions pour la gestion du capital humain »[5].
L’EC (ou le responsable des ressources humaines en concertation avec la direction du cabinet) doit se poser quelques questions préalables, dont les suivantes peuvent servir d’exemples :


Quels sont les objectifs de développement du cabinet ? 

Le cabinet compte axer son développement auprès d’une clientèle particulière ?  dans un secteur particulier ?

Quelles sont les missions à privilégier ou quelles sont les nouvelles missions que le cabinet souhaite développer ?


Le cabinet souhaite t’il proposer de nouvelles missions aux clients (tableau de bord périodiques, assistance aux déclarations fiscales…)
Le cabinet souhaite t’il créer ou supprimer un service ?
A terme, le cabinet souhaite créer un service social ? sous-traiter le service « tenue  comptable » ?

Quelle est la capacité du cabinet à payer ?

Au vue de la rentabilité actuelle du cabinet, ce dernier peut il se permettre de proposer des rémunérations supplémentaires ?
Le cabinet compte t’il mettre en place de nouvelles manières de travailler ?
Ce dernier souhaite mettre en place un système d’information de gestion de ressources humaines ? utiliser un nouveau logiciel ?

En partir des interrogations posées lors de la première étape, l’EC va devoir identifier les buts qu’ils souhaitent atteindre. Aussi, la politique de rémunération va être utilisée comme un outil permettant d’atteindre les buts visés.

*Choisir des formes de rémunération en fonction de la stratégie du cabinet :
En fonction des décisions stratégiques prises et des buts recherchés, il convient de s’interroger sur  les possibilités de rémunération qui permettront au cabinet d’atteindre les résultats souhaités, en fonction des facteurs identifiés.

La rémunération  collective permet l’adhésion des collaborateurs au projet du cabinet et la cohésion d’un groupe mais peut diluer la contribution de certains collaborateurs au projet donc décourager ces derniers.
La rémunération individuelle, quant à elle, permet  de récompenser la performance du salarié (ou sa non-performance) mais peut affecter l’atteinte des objectifs communs du cabinet et altérer le climat social en cas de sentiment d’injustice.
Un système de rémunération doit assurer un équilibre entre rémunération collective et individuelle.

b) Evaluation des emplois :

Une fois que le cabinet a défini sa stratégie de rémunération, il doit déterminer de façon équitable le salaire de base en fonction des responsabilités et des exigences de chaque poste de travail.
La Convention collective nationale des cabinets d’EC et de CAC prévoit une grille générale des emplois .Cette dernière comprend 5 niveaux d’interventions définis: « N.5 Exécution », « N.4 Exécution avec délégation », « N.3 Conception assistée », « N.2 Conception et animation », « N.1 Direction ».
A l’intérieur de ces niveaux, on distingue un ensemble de postes de référence, en fonction :
De la complexité des tâches, de l’étendue de la délégation et de l’ampleur des responsabilités ;
Du niveau de formation initiale qu’ils requièrent ;
De l’expérience professionnelle nécessaire à leur maîtrise.


c) Détermination des salaires

Il apparait que la Convention collective soit peu utilisée dans notre profession pour déterminer la rémunération du collaborateur [6]. Toutefois, il est nécessaire pour un manager de connaitre les minima professionnels.
Afin d’assurer l’équité externe, donc offrir une rémunération comparable à celles qu’offrent les autres cabinets pour des emplois similaires, le cabinet doit tenir compte de la rémunération moyenne du marché , en tenant compte de certains critères notamment le lieu géographique, l’expérience du collaborateur. 
Les salaires apparaissant sur les offres d’emploi, les diverses enquêtes menées par l’Ordre ou par des cabinets de recrutements peuvent être utilisés pour connaitre le salaire de référence du marché.
Il est d’usage dans de nombreux cabinets d’expertise comptable d’appliquer la règle du tiers [3]. Aucune statistique quantifiant cette modalité de rémunération n’a pu être trouvé.

Afin de concilier ces différents critères, la fiche outil 7 « Calcul de la rémunération » tâche de proposer un outil de calcul de rémunération permettant au manager de prendre en compte d’une part les minima conventionnels de la profession, d’autre part la rémunération moyenne du marché pour le poste et éventuellement les modalités propres au cabinet (par exemple la règle du tiers précédemment citée).
A l’issue de cette étape, le cabinet peut ainsi déterminer des échelles de salaires en fixant un taux minimum et maximum pour chaque classe d’emploi.

d) Déterminer les augmentations de salaire :

 L’augmentation  des salaires du cabinet est un outil de ressources humaines, qui va   être ajusté en fonction de la stratégie globale, la situation financière, mais également en fonction  des besoins en ressources humaines sur le moyen ou long terme du cabinet.
Nous pouvons distinguer différents types d’augmentations qui présentent des objectifs différentes. 

Le guide méthodologique «  Mettre en place une démarche RH au sein du cabinet »[7] a tâché de proposer un mécanisme d’ajustement dans le temps par le biais d’une méthode matricielle en prenant en compte la performance du collaborateur.
Les augmentions de salaire constituent un enjeu en termes d’attraction, de motivation et de fidélisation des collaborateurs. Les augmentations sont irrévocables, une fois attribuée, elles peuvent mener à une spirale inflationniste de la masse salariale du cabinet si elles n’ont pas été clairement déterminées lors de leurs mises en place.

Le cabinet doit donc « jongler » entre ces différents types d’augmentation de salaire afin de profiter des atouts respectifs de chacune de ces augmentations.








[1] Enquête « Etude de rémunération / RH, Audit & Expertise Comptable 2012 », réalisée auprès de 14 000 EC et 4000 collaborateurs en France réalisée par le cabinet de recrutement Hays et l’enquête « Gestion des cabinets d’expertise-comptable »   réalisée en juillet 2012 par TNS Sofres à la demande de l’Observatoire du Conseil Supérieur de l’OEC, auprès de 1000 cabinets en France.
[2] Enquête « Gestion des Cabinets d’expertise-comptable » menée par TNS Sofres à la demande de l’Observatoire de la Profession du CSOEC en  juillet 2012.
[3] La rémunération annuelle du collaborateur doit être égale au tiers des honoraires annuels de son portefeuille clients.
[4] Extrait du guide méthodologique « Mettre en place une démarche RH au sein du cabinet » réalisé dans le cadre du  67ème congrès de l’Ordre des EC. p 22
[5] Extrait du guide méthodologique « Mettre en place une démarche RH au sein du cabinet » réalisé dans le cadre du  67ème congrès de l’Ordre des EC. p 32
[6] D’après la Figure 3 « Les critères de fixation de la rémunération des collaborateurs en cabinet d’expertise-comptable », seulement 4.2% des EC utilisent la Convention Collective pour fixer la rémunération de leurs collaborateurs.
[7] Réalisé dans le cadre du 67ème congrès de l’Ordre des EC à Paris en Octobre 2012.