Déléguer et superviser son collaborateur



Qu'est-ce la délégation et qu'est-ce la supervision?


Le dictionnaire Larousse définir le verbe « déléguer » comme « confier un pouvoir à quelqu’un, le lui transmettre ». Il y a donc  délégation lorsqu’un responsable, au terme d’un contrat (écrit ou verbal), confie à l’un de ses collaborateurs une activité ou une mission en vu d’agir en son nom. Elle  représente une pluralité d’avantages pour l’ensemble des  parties.
En effet, en engageant une délégation, l’EC va pouvoir se centrer sur d’autres activités, qu’il juge plus importantes, des activités liées directement à son rôle de manager ou qui demandent davantage de technicité.
Pour le collaborateur à qui est confiée la tâche, la délégation représente une véritable reconnaissance de ses compétences ou tout au moins de sa motivation. La délégation est un facteur de responsabilité et d’accroissement d’autonomie du collaborateur.
Le cabinet crée alors un climat favorable de motivation et de valorisation de ses membres.

La délégation ne constitue en aucun cas un transfert de la responsabilité de l’EC. Ce dernier assume toutes les conséquences qu’elles soient positives ou négatives de la mission déléguée.
 Afin de mener à bien sa mission dans le délai imparti, l’EC doit sélectionner l’équipe dédiée à celle-ci et par là,  leur confier certaines tâches et s’assurer du suivi de cette délégation.
Le collaborateur à qui été délégué une tâche doit avoir l’assurance qu’il n’est pas abandonné pendant l’exécution de la tâche mais également qu’on ne lui retire pas la responsabilité confiée. La délégation est un véritable défi car elle repose sur la confiance en l’autre et sur l’abandon d’une partie de son pouvoir au profit du collaborateur. Toutefois, elle ne saurait de ce fait se concevoir sans contrôle, sans supervision.

Le dictionnaire Larousse définit le verbe « superviser » comme « contrôler la réalisation d’un travail accompli par d’autres ».
Superviser signifie un accompagnement et faire le point périodiquement avec le collaborateur sur ses résultats. L’EC est le garant du cadre de travail et doit exercer une vigilance aigue sur les contenus mais aussi sur les processus mis en œuvre.
La supervision des travaux peut être organisée en fonction des caractéristiques de chaque mission. Elle s’exerce majoritairement par la revue des dossiers de travail et peut se traduire notamment par une note de commentaires, par un paraphe ou des annotations sur des documents établis par les collaborateurs.
Ce contrôle permet notamment de vérifier le respect de la réglementation en vigueur, la documentation des travaux effectués et s’assurer du respect des méthodes de travail du cabinet par les collaborateurs.

Que prévoient les normes professionnelles en termes de délégation et de supervision ?

 

L’article 5 du  Code Déontologie des professionnels de l’expertise comptable stipule que les EC  « doivent s’assurer que les collaborateurs auxquels ils confient des travaux ont une compétence appropriée à la nature et à la complexité de ceux-ci ».

L’article 12 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 prévoit que « la responsabilité propre des sociétés membres de l’ordre […] laisse subsister la responsabilité personnelle de chaque expert-comptable […] à raison des travaux qu’il exécute lui-même pour le compte de ces sociétés ou associations » et ajoute que « les travaux et activités doivent être assortis de la signature personnelle de l’expert-comptable ou du salarié ainsi que du visa ou de la signature sociale ».  Selon la jurisprudence « la signature […] est la marque de cette responsabilité». Cet article concerne également tout expert-comptable qui accepte de superviser les travaux d’un salarié non membre de l’Ordre.
L’absence de cette marque de la responsabilité de l’expert-comptable peut  signifier que cette responsabilité n’est pas assumée ou qu’elle a été transférée. Or, cette responsabilité est intransférable.
Une absence de signature de travaux et/ou d’une lettre de mission réalisés par un salarié non membre de l’Ordre est un manquement aux règles de l’Ordre et est qualifiée de "supervision imparfaite".
Dans cette dernière situation, un juge peut remettre en question le montant de la rémunération du professionnel de l’expertise comptable et le réévaluer lui-même à la baisse.( Arrêt de la Cour d'appel de Paris, 17 octobre 2008).


 Les étapes d’une délégation constructive 

 

Afin que la délégation soit efficace et constructive, un certain nombre d’étapes doivent être respectées impérativement<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]-->.

L’EC (ou chef de mission) détermine le domaine de délégation (la tâche qui va être déléguée)
- Sélection du collaborateur auquel la délégation sera proposée.
- Phase « précontractuelle », l’objet de la délégation est discuté et non imposé. L’EC et le délégataire vont discuter les termes de la délégation (3) les résultats attendus, le degré d'autonomie : qu’est ce que le délégataire peut décider ou pas, les modalités du contrôle, les modalités en cas d’imprévus graves, la durée de la délégation. L’accord des deux parties doit se faire idéalement dans le cadre d’un entretien formalisé.
- Contrôle de l’évolution de la mission dans le cadre d’un bilan périodique.
- Analyse partagée de l’ensemble de la délégation.
La délégation est malheureusement rarement formalisée, or cela permet son suivi et la contractualisation  des termes de la délégation.
 
La Fiche outil 8 «  Le suivi de la délégation » propose un modèle de document qui peut être utilisé pour le suivi de la délégation.
La délégation a certains freins et contraintes qui peuvent parfois faire obstacle et rendre difficile sa mise en place.
 
▪Freins liés au manque de temps ou de méconnaissance de la délégation :
 En effet, il va être difficile, voire impossible, de déléguer si autour de lui, le manager n’a pas les collaborateurs capables de prendre en charge la mission, soit par manque de temps ; soit par manque de compétences. Le manque de temps peut se résoudre par une nouvelle organisation du travail ou un recrutement. Une délégation efficace commence donc  par un recrutement efficace. L’intérêt est de choisir des collaborateurs qui seront spécialistes dans leurs matières, donc plus compétents dans leur domaine que leurs responsables.
L’EC peut aussi se sentir débordé et ne pas avoir le temps d’opérer une sélection des tâches à déléguer et de choisir le collaborateur à qui déléguer la tâche.
Un manager peut penser que déléguer à un salarié  prend plus de temps que le faire soi même. Or, la délégation  est un investissement à long terme. En effet au fur et à mesure du temps, le collaborateur mettra moins de temps pour réaliser cette tâche et le temps que le collaborateur passera à réaliser celle-ci est autant de temps économisé par le manager.

▪Freins liés au refus et la peur de déléguer :
La peur inconsciente de perdre du pouvoir est souvent à l’origine des refus de déléguer. La crainte que le collaborateur fasse mieux que le manager est aussi souvent perceptible, ainsi que  l’agacement de voir que le collaborateur a fait autrement.
Les managers hésitent ou refusent la délégation car ils craignent d’entendre de la part de leurs collaborateurs « je ne suis pas payé pour ça » ou « qu’aurais-je en échange ? ».
 Des échecs liés à des délégations antérieures peuvent aussi conduire un manager à refuser de déléguer et réaliser la tâche lui-même car il ne fait plus fait confiance à ses collaborateurs.
Enfin, la crainte de créer des jalousies entre les membres de l’équipe et de ne pas savoir commenter ses choix d’un délégataire peuvent aussi faire partie des freins à la délégation.
Diverses raisons peuvent aussi justifier le refus de la part des collaborateurs notamment le manque de confiance en eux, la crainte de s’engager, un « contentieux » avec leur responsable, l’appréhension de mal faire et des critiques diverses, la peur de se démarquer de ses collègues.

▪Certains écueils sont à éviter  dans la délégation :
-      Ne pas respecter les étapes nécessaires citées précédemment ;
-      La délégation  n’est pas imposée mais discutée avec le délégataire ;
-       Il ne faut pas blâmer le délégataire pour les erreurs commises au risque d’accroitre la peur pour le collaborateur de prendre d’autres risques ;
-    Il ne faut pas « court-circuiter » le délégataire et prendre une décision en son absence sinon de voir le risque de briser le lien de confiance avec ce dernier ;
-       Déléguer un travail et n’assurer aucun suivi ;
-    Ne pas déléguer constamment les dossiers ennuyeux au risque de démotiver le collaborateur en charge du dossier.

 Les différents modes de délégation

Il n’y a pas de  règle absolue en termes de délégation, dans la mesure où la délégation va varier en fonction du contexte, de la nature de la mission et de l’autonomie du délégataire.
Nous pouvons distinguer 3 modes de délégation qui sont en lien avec l’autonomie du délégataire :
▪Délégation avec faible autonomie du délégataire :
Le délégant garde le contrôle de la mission déléguée dans la mesure où toute décision devra être validée par le superviseur. Ce dernier donne des directives très strictes et laisse une marge de manœuvre très étroite au délégataire. Ce mode est préconisé lorsque le délégataire n’a pas ou a peu d’expérience dans le domaine ou lorsque la technicité de la mission requiert une supervision stricte. En termes de valorisation du collaborateur délégataire, ce mode de délégation est le moins adapté.

▪Délégation avec autonomie moyenne du délégataire :
Tout en supervisant la mission déléguée, le délégant laisse une certaine marge de manœuvre au délégataire dans les prises de décision. Seulement les décisions significatives doivent être préalablement validées par le délégant. Le délégataire consulte ponctuellement le délégant. Ce mode de délégation convient lorsque la mission est déléguée à un collaborateur qui commence à avoir une petite expérience dans un domaine particulier et cherche à être responsabilisé progressivement.

▪Délégation avec autonomie forte du délégataire :
Le délégant exprime au préalable ses attentes et ses objectifs et laisse toute autonomie au délégataire pour mener à bien sa mission, qui décide l’orientation à suivre en toute indépendance. Le délégant intervient seulement lorsque la mission est terminée. Ce mode de délégation est adapté lorsque les délégataires sont des collaborateurs aguerris et expérimentés.

 

 

 

 


<!--[if !supportFootnotes]-->

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<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> Arrêt de la Cour d’appel de Paris, 17 octobre 2008.
<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> « Management », article rédigé par la Chambre de Commerce et de l’Industrie.
<!--[if !supportFootnotes]-->[3]<!--[endif]--> L’objet de la mission ; les objectifs à réaliser, les moyens mis à la disposition du collaborateur (budget, durée de la délégation, ressources techniques et humaines, la formation pour acquérir les compétences nécessaires à sa tâche